• Organisateurs : Les amis de l’AMDH-Paris
  • Lieu : Salle Louise Michel à la Bourse de travail de Saint Denis
  • Heure : 14h00 à  17h00

Le débat public tenu à Saint-Denis en banlieue parisienne a été animé par Madame Khadija Ryadi présidente de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH). Ce débat a mis en évidence, comme son titre l’indique, la situation actuelle des droits humains au Maroc. Madame Khadija Ryadi a également mis l’accent sur le retour, depuis quelques années, sur les acquis de la fin des années quatre-vingt-dix. Cet événement a réuni, dans la salle Louise Michel, une quarantaine de personnes venant de différentes villes d’Ile-de-France afin d’échanger avec Madame Ryadi et rencontrer les amis de l’AMDH à Paris.

Principaux points abordés

Mot d’introduction

Mme Khadija Ryadi a commencé par rappeler que l’AMDH a comme référentiel les conventions internationales et que les progrès qu’a connu le Maroc ces dernières années ne l’empêche pas de continuer sa lutte jusqu’à la consécration des droits humains reconnus à l’échelle internationale.

Madame Khadija Ryadi en a profité pour rappeler les longues luttes et les  sacrifices qui ont été faits au Maroc comme en France.

Quelques rappels historiques :

Lors de la guerre froide, les droits de l’homme étaient mis en avant par les Etats unis d’Amérique contre l’URSS. Dans ce cadre international, un début d’ouverture politique est entamé au Maroc. Elle a débuté lors des années 1990 jusqu’à la fin du règne d’Hassan II. Premièrement avec la ratification de plusieurs pactes internationaux, tel que ceux relatifs aux droits de la femme.

A ce moment là, l’Etat marocain, au lieu de continuer à combattre le discours sur les droits humains, il adopte une stratégie d’appropriation de ce discours. Les violations faites dans le passé son ressortis.

Sur le plan institutionnel, on a mentionné les droits de l’Homme dans le préambule de la constitution, chose qui n’existait pas avant : « le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant des chartes desdits organismes et réaffirme son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus. ».

Les acquis réalisés ont été partiels et réversibles :

Les acquis dont on parle ne touchent que les droits civils et politiques (partiels) mais Les violations des droits économiques sociaux et culturels continuent et s’aggravent.

En ce qui concerne les acquis sociaux et culturels, l’application des diktats du Plan d’Ajustement Structurel, imposé par le Fond Monétaire International et la Banque mondiale a eu pour conséquence le démantèlement  des services sociaux élémentaires tel que la santé et l’éducation.

Quand on parle de réversibilité des acquis, on pense aussi aux garantis constitutionnelles toujours inexistantes. La constitution marocaine, n’est pas celle d’un Etat de droit et elle ne permet pas encore de garantir les droits fondamentaux et le statut de citoyens marocains encore considérés comme sujets.

L’évaluation de l’Instance Equité et Réconciliation (IER)

En évoquant la question de l’instance équité et réconciliation, Madame Khadija Ryadi a rappelé la position de l’AMDH consistant à dénoncer l’impunité des responsables des violations des droits humains, ainsi que le fait que l’association a établit une liste de responsables du nom de « liste des 45 ».

En ce qui concerne les recommandations de l’IER, on pense que celles-ci peuvent constituer une avancée majeure si elles étaient appliquées mais plusieurs d’entre elles restent encore lettre morte sauf pour l’indemnisation des victimes. Mais les plus importantes ne sont pas appliquées tel que l’adhésion du Maroc au statut de Rome relatif à la Cour Pénale Internationale, l’harmonisation des lois nationales, l’élaboration d’une stratégie de lutte contre l’impunité, la ratification des conventions et protocoles non encore ratifiées, etc.

Le retour sur les acquis :

Violence et Torture

Madame Khadija Ryadi a insisté sur le fait que l’usage injustifié de la violence et les cas de torture sont loin d’être dépassé mais, bien au contraire, sont très récurrents de nos jours. On pense aux cas innombrables liés à ce qu’on appelle « lutte contre le terrorisme ». Madame Ryadi a également affirmé que l’AMDH considérait que la majorité des détenus sont innocents, et que beaucoup de ces arrestations ont été faites de manière arbitraire.

En évoquant le thème de « la lutte contre le terrorisme » on pense à des cas marquants comme celui de l’affaire Bellirej (5 personnes étant toujours incarcérées) ou encore, le cas du groupe Tamek qui a connu à plusieurs reprises des violences et tortures de la part de l’Etat.

Liberté d’expression

On assiste de nos jours à une floraison d’une presse jeune qui est victime d’une grande répression de la part de l’Etat marocain.

On note le cas du journaliste et défenseur des droits humains Chakib Alkhayari qui est entrain de purger une peine de trois ans de prison pour avoir dénoncé le commerce de drogue dans la région de Nador (marchica).

Madame Khadija Ryadi a noté que le principe des sacralités qui sert à placer des lignes rouges à la liberté d’expression, est vide se sens et que celui-ci connait un usage clairement politique. Elle a évoqué, dans ce cadre, le cas des huit membres de l’association arrêté pour avoir scandé des slogans mettant en exergue la responsabilité du Roi dans détérioration de la situation socioéconomique du Maroc.

Condition de la femme

Une réforme du code de la famille a été faite, ce qui constitue sans doute une avancée. La réforme, en revanche, n’est pas allée vers le sens de la consécration de l’égalité entre l’homme et la femme. Les principales réserves étant les suivantes :

  • L’inégalité en matière d’héritage
  • Interdiction du mariage mixte pour les femmes (une femme de confession musulmane ne peut pas épouser un non musulman !)
  • L’âge du mariage pour les filles.

Répression contre les étudiants

La répression dont sont victimes les  étudiants persiste encore. L’un des cas les plus marquants, étant celui du groupe de Zahra Boudkour, qui ont été arrêtés et emprisonnés suite à une action syndicale protestataire.

Cas d’expropriation

Une violation des droits économiques et sociaux des femmes a été faite, dans le cas des terres collectives pour lesquelles les hommes ont été les seuls à être indemnisés.

La constitution :

C’est un point primordial pour l’AMDH. La constitution actuelle ne consacre ni la démocratie ni les droits de l’Homme car ne garantissant pas la séparation des pouvoirs, les concentrant tous entre les mains du chef d’Etat. Le fait que l’Etat et la religion soient mêlés constitue également une entrave à l’avènement de la démocratie.

Il est à noter que la constitution actuelle, ne donne pas de liberté aux régions et ne mentionne pas l’identité et la langue Amazighe, points qui selon l’AMDH devrait être revus.

L’AMDH, ne propose pas de projet de constitution, mais demande à ce que la constitution marocaine soit harmonisée avec les conventions internationales.

Le Sahara :

Pour la question du Sahara, l’AMDH ne prend pas de position politique non plus, mais appelle à une cessation des violations des droits humains faites par toutes les parties du conflit. Madame Khadija Ryadi a appelé à la mise en place d’un instrument ONUSIEN pour le suivi de la situation des violations des droits humains dans la région que ce soit au Sahara ou à Tindouf.

La position de l’AMDH est de recommander une solution démocratique du conflit dans le Sahara qui soit acceptée par les parties en conflit et qui puisse éviter une guerre dans la région.

Madame Khadija Ryadi a estimé que l’Etat marocain est entrain de jouer avec le feu en remontant des populations contre d’autres dans le cadre de ce conflit.

Mot de conclusion

La présidente de l’AMDH a conclu son intervention, en soulignant le fait que le Maroc donne, de lui-même, une image inexacte et que celui-ci est beaucoup moins respectueux des droits humains que l’on pourrait le croire.

Les principaux points ressortis lors du débat :

  • Intervention d’Amin Alkhayari frère de Chakib Alkhayari
  • La responsabilité européenne dans le non respect des pactes internationaux.
  • La collaboration de l’AMDH avec les autres associations de défense des droits de l’Homme au niveau international.
  • La situation des candidats à l’émigration au Maroc
  • La situation des femmes marocaines en France (cas d’Aicha Chikaoui, dont le père meurt, en partie, à cause de ses conditions de travail en France, et qui tout en étant dans un état de santé critique reçoit une obligation de quitter le territoire français)
  • La privatisation de la santé qui constitue un retour sur les droits économiques et sociaux
  • Le Code du travail ne reconnaissant pas le travail domestique
  • Répression de l’homosexualité (à Tétouan deux présumés homosexuels ont subis un test de dépistage VIH)

Extraits vidéo :

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