Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc
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Avant d’aborder les nombreuses arrestations et condamnations qu’a connues le Maroc au mois de mai, nous voudrions saluer la mémoire de Christine Daure-Serfaty, qui, quatre ans après le décès de son mari Abraham Serfaty, vient de s’éteindre le 28 mai 2014 à Paris. Les démocrates marocains, rassemblés le vendredi 30 mai en région parisienne, lors d’une rencontre initiée par l’ASDHOM et dédiée à la mémoire des militant(e)s de l’immigration marocaine, ont rendu un hommage vibrant à cette femme qui a épousé la cause du peuple marocain. Une minute de silence a été observée à sa mémoire et une délégation, composée de plusieurs organisations marocaines, dont l’ASDHOM, s’est rendue le jeudi 5 juin à son inhumation qui a eu lieu à la commune de Juvanzé dans l’Aube (10). Plusieurs témoignages émouvants ont été prononcés dont notamment celui d’Afous, fils d’Akka, victime du bagne de Tazmamart, et celui de Laila Chahid, la représentante de la Palestine en Europe, qui a bien connu la défunte quand elle était au Maroc.

Nous vous ferons parvenir par la suite le mot qui a été lu au nom de toutes les forces démocratiques de l’immigration marocaine.

Le mois dernier était très dense en informations provenant du Maroc relativement aux atteintes aux droits et aux libertés, toutes aussi préoccupantes les unes que les autres. Celles qu’on va traiter dans ce point rallongent, malheureusement encore plus, les listes déjà établies par l’ASDHOM dans le cadre de sa campagne de parrainage lancée en novembre 2012. (voir www.asdhom.org)

Groupe 20-Février à Casablanca : Après plusieurs reports, le procès des onze manifestants et militants du 20-Février, arrêtés le 6 avril 2014 à Casablanca lors d’une manifestation intersyndicale, a eu finalement lieu le 21 mai. Les condamnations sont tombées et elles sont lourdes. Un an de prison ferme pour Hamza Haddi, Youssef Bouhlal, Ghani Zaâmoun, Hamid Alla et Abdellatif Sarsari. Sis mois de prison ferme pour Hakim Sarroukh, Mohamed Harrak, Mustapha Aârass et Ayoub Boudad. Deux mois avec une amende de 5000 Dirhams  pour Amine Kabbabi et Fouad El-Baz. Ces deux derniers ont été libérés à l’issue du procès puisqu’ils avaient déjà purgé leur peine en préventive. Les familles et les soutiens des prévenus n’ont pas été autorisés à assister au procès. Les neufs prévenus, en détention, ont refusé d’assister eux aussi tout en continuant leur grève de la faim pour protester contre le traitement qui leur a été infligé. Seul Mohamed Harrak est allé dénoncer les violences subies en montrant au juge les traces de passage à tabac. Les avocats de la défense, Me Abderrahmane Ben Amro et Me Mohamed El Messaoudi, lui-même poursuivi dans une autre affaire pour outrage à magistrat, ont dénoncé un procès politique et inéquitable où les droits de la défense n’ont pas été respectés. Plusieurs rassemblements ont été organisés à Casablanca et Rabat pour les soutenir et réclamer leur libération.

Toujours à Casablanca, le jeune rappeur Mouad Belghouat, alias Elhaqed, militant du mouvement 20-Février, a de nouveau été arrêté le dimanche 18 mai alors qu’il s’apprêtait à assister, avec son frère Hamza et ses amis, à un match de foot. La police n’a rien trouvé cette fois-ci que de lui reprocher « la vente de tickets au marché noir ». Son petit frère, embarqué avec lui au commissariat, a été relâché au bout d’un interrogatoire surréaliste. Mouad, lui, a été retenu et sa garde à vue s’est vue prolonger avant d’être présenté à un juge. Faut-il rappeler que ce n’est pas la première fois que ce jeune rappeur soit confronté à ce genre d’épreuves. Mouad a déjà été condamné à 4 mois de prison en 2011 pour « coups et blessures » et à un an de prison en mars 2012 pour « outrage à la police ». Tout le monde sait que c’est son rap qui dérange. Les autorités marocaines veulent lui faire payer ensuite son implication active dans le mouvement 20-Février. Il n’y a pas longtemps, une conférence de présentation de son nouveau album Walou » a été interdite.

Groupe UNEM-Meknès : Arrêtés le 17 décembre 2012, les cinq étudiants, militants de l’UNEM (Mounir Ait Khafou, Hassan Koukou, Soufiane Sghéri, Hassan Ahamouch et Mohamed Eloualki) ont vu, depuis, leur procès reporter à plusieurs reprises. Ils viennent d’être fixés sur leur sort le 12 mai 2014. Si Mohamed Eloualki a écopé de six mois et a donc été libéré à l’issue du procès puisqu’il en a passé deux ans de plus en préventive, les quatre autres ont, eux, écopé de trois ans chacun. Ce groupe, parrainé par notre ami Gilles Deloustal du sud de la France, a mené plusieurs grèves de la faim, plus ou moins longues, pour alerter l’opinion sur son sort et l’injustice qui l’a frappé.

Groupe Islamistes-Belliraj : Amnesty International mène de 2014 à 2016 une campagne intitulée « Stop torture ». Parmi les cinq pays sur lesquels elle se focalise, figure le Maroc avec le cas d’Ali Aarrass que Me Alima Boumediene-Thierry parraine dans le cadre de la campagne lancée par l’ASDHOM en 2012. Amnesty International s’appuie sur les rapports établis par le Rapporteur spécial de l’ONU Juan Mendez et par le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire. Rappelons que ce dernier avait demandé la libération immédiate d’Ali Aarrass qui purge une peine d’emprisonnement de quinze ans à la prison de Salé, depuis son extradition en 2010 par l’Espagne alors qu’il avait été innocenté par le juge Baltasar des faits de terrorisme qu’on lui reproche.

Groupe Libertés d’expression-Journalistes-Syndicalistes : L’audition du journaliste Ali Anouzla qui devait avoir lieu le 20 mai a été reportée à une date non communiquée. Raison invoquée : le juge est parti pour quelques jours de vacances ! Le comité national de soutien qui avait appelé à un sit-in, a condamné ce nouveau report injustifié et dénoncé le maintien des poursuites contre Ali Anouzla pour « incitation au terrorisme » ainsi que le blocage continu du site électronique Lakome.com dont il est le directeur en chef.

Le journaliste Mustapha El-Hasnaoui, condamné en juillet 2013 à trois ans de prison pour des délits liés au « terrorisme », observe depuis le vendredi 16 mai une grève de la faim illimitée pour protester contre ses conditions de détention à la prison centrale de Kénitra.

Le militant syndicaliste Hamid Majdi, ex-secrétaire adjoint du syndicat CDT à Ouarzazate et secrétaire général du PSU à Kalaât Sraghna, n’a pas fini d’avoir des déboires avec la justice marocaine. Après avoir été condamné, le 6 mai 2014, à un an de prison ferme et à une amende de 500 dirhams, il a été de nouveau convoqué à comparaitre devant le tribunal de 1ère instance d’Ouarzazate, le 22 mai, pour entre autres « entrave à al liberté de travail, insultes, etc. » sur la base du fameux article liberticide 288 du code pénal.

Groupe Sahraouis-Guelmim-Ait Melloul : Après plusieurs reports, la Cour d’appel d’Agadir a finalement condamné, le 15 mai 2014, les trois prisonniers politiques sahraouis Mohamed Khalfoun, Youssef Attar et Azouz Cheikhi à 4 mois de prison ferme. Les trois ont donc été libérés à l’issue de ce procès étant donné qu’ils avaient déjà passé 6 mois et demi de préventive à la prison d’Ait Melloul. Leur arrestation était liée aux manifestations qu’a connues la ville de Zak après le démantèlement du campement Tizimi et les protestations à Assa en septembre 2013.

Le 27 mai, ce sont six autres prisonniers politiques sahraouis qui ont, eux, été condamnés par la même Cour d’appel à des peines allant d’un an à trois ans de prison ferme. Mohamed Ghazouani (3 ans),Mohamed lamine Attar et Mohamed Hamou (un an et six mois), ainsi que Mohamed Hasnaoui, Hiba Chouiâr et Moussa Malki (un an) ont tous été arrêtés à Guelmim en septembre 2013 en lien avec les mêmes évènements d’Assa. Placés en détention préventive à la prison d’Inzgane puis d’Ait Melloul, leur procès a été reporté à plusieurs reprises.

Avant eux, c’était au tour du jeune prisonnier politique Abdallah Boukayoud d’être condamné, le 23 mai 2014, par cette même Cour d’appel, à quatre ans de prison ferme après avoir été placé en détention préventive à la prison d’Ait Melloul depuis 7 mois. Abdallah s’est présenté à la cour en étant en grève de la faim, entamée le 20 mai, pour protester contre les mauvais traitements dont il a fait l’objet. Il a été arrêté entre Laâyoune et Smara pour avoir participé aux manifestations à Guelmim après la mort en septembre 2013 à Assa du jeune sahraoui Rachid Echine.

Toujours en lien avec ces évènements, une autre victime sahraouie fait les frais de la justice marocaine. Il s’agit de Kaiss El-Hiba qui vu sa peine augmenter, le 26 mai 2014, par la Cour d’appel d’Agadir d’un an à 5 ans de prison ferme.

La prison d’Ait Melloul, qui abrite également le défenseur sahraoui des droits de l’Homme Yahya Mohamed Hafed Izza, connait un mouvement de grève de la faim pour protester sur les conditions désastreuses de détention. L’AMDH a interpellé dernièrement les autorités marocaines sur la dangerosité de cette prison qui a enregistré plusieurs morts parmi les prisonniers de droit commun.

D’autres informations aussi préoccupantes nous sont parvenues de Fès où des militants de l’UNEM-Fès font face à des procès politiques. Nous y reviendrons au prochain point sur cette campagne de parrainage.

Nous ne pouvons par contre clore ce point sans signaler et dénoncer l’arrestation, le jeudi 5 juin, de plusieurs ouvriers de la société « Moulins de la cote » à Salé lorsqu’ils ont voulu manifester pour réclamer l’application d’un jugement rendu en leur faveur en 2002 et qui exigeait de leur employeur le paiement des indemnités pour un licenciement abusif.

Deux de leurs soutiens, les syndicalistes et défenseurs des droits de l’Homme Naima NaimAbdallah Laftansa et Ben Mchich, ont, eux, été libérés après l’interrogatoire au commissariat. Nous revenons dans le prochain point sur le développement de cette affaire.

Le bureau exécutif de l’ASDHOM

Paris, le 25 avril 2014  

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