Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc

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Comme promis, l’ASDHOM reprend ses points sur la campagne de parrainage des victimes de la détention politique au Maroc. Nous consacrerons ce point aux faits marquants qui ont caractérisé cette période de deux mois qui nous sépare du dernier point, en termes d’atteintes aux libertés démocratiques, publiques et individuelles, dont l’État marocain s’est rendu responsable. Ces faits sont, hélas, nombreux. Nous nous limiterons aux plus significatifs parmi eux sans pour autant négliger les autres.

L’ASDHOM a profité de cette pause pour rencontrer en août dernier l’écrivain Gilles Perrault, le parrain de cette campagne de parrainage. Un bilan de deux ans et demi de cette action a été fait et l’avenir de cette action a été évoqué dans le but de la redynamiser et lui donner un nouveau souffle. La soirée annuelle que l’ASDHOM tient en novembre, dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale (SSI), sera l’occasion pour nous de mettre sur pied cette nouvelle dynamique en présence de Gilles Perrault. Cette soirée, dédiée aux victimes de la détention politique au Maroc, sera portée par l’ASDHOM en partenariat, cette année, avec la mairie de Nanterre et d’autres organisations internationales des droits de l’Homme.

S’agissant de l’objet qui domine ce point, l’ASDHOM a été catastrophée par les informations inquiétantes et préoccupantes en provenance du Maroc. À commencer par la mort pendant leur détention de quelques militants.

         Le 13 août 2014, Mustapha Méziani, militant de l’Union Nationale des Étudiants du Maroc (UNEM), décède sous « observation médicale » au CHU de Fès après 72 jours de grève de la faim, entamée fin mai pendant qu’il occupait pacifiquement le hall de la faculté des sciences pour réclamer son droit légitime aux études universitaires. Affaibli déjà par les premiers jours de grève, il va être arrêté et détenu avec ses camarades (tendance Voie Démocratique Basiste de l’UNEM) à la prison locale Ain Kadous de Fès dans l’attente de son procès. La justice marocaine lui reproche d’avoir participé aux évènements violents du 24 avril qu’a connus le campus universitaire Dhar El Mahraz et qui ont conduit à la mort de l’étudiant Abderrahim Hasnaoui. L’ASDHOM avait déjà évoqué cette mort suspecte dans l’un de ses points (voir www.asdhom.org). Ses cinq camarades, Abdennabi Chaoul, Belkacem Benazi, Yacine Lamsih, Abdelouahab Ramadi et Hicham Boulaft, observent à leur tour une grève de la faim depuis le 10 août pour se solidariser avec lui et protester contre leur détention et conditions de détention. Leurs camarades de l’UNEM, organisent en ce moment à l’université de Fès des manifestations culturelles presque quotidiennement pour célébrer le 40èmejour de la mort de Mustapha et pour se solidariser avec les grévistes de la faim d’Ain Kadous. L’état de santé des cinq grévistes ne cesse de se dégrader (vomissements, évanouissements, perte de poids, problèmes au niveau de la vue, de l’ouïe et de l’estomac, etc.) ce qui oblige l’administration pénitentiaire à transporter quelques-uns au CHU de la ville.

         Le 28 septembre 2014, Hassana Elouali Aaleya, militant sahraoui des droits de l’Homme, membre du Comité contre la torture de Dakhla, décède, lui aussi, « sous observation médicale » à l’hôpital militaire de Dakhla au Sahara. Il avait été condamné à trois ans de prison après les manifestations de 2011 à Dakhla. Il devait être libéré avec d’autres militants cette semaine. Affaibli par plusieurs grèves de la faim qu’il a menées avec ses camarades sahraouis emprisonnés et souffrant d’un diabète, il a été privé des soins nécessaires réclamés sans cesse. Hassana avait 42 ans et figurait parmi nos listes de victimes parrainées. Un mouvement de solidarité condamnant cette mort et réclamant une enquête a été, a été réprimé ces derniers jours à Dakhla.

L’ASDHOM présente ses sincères condoléances aux deux familles endeuillées et à leurs camarades. Elle demande qu’une enquête impartiale soit menée sur les conditions de mort dans les deux cas.

 

S’agissant des atteintes aux libertés publiques en général et aux libertés d’association en particulier, nous avons assisté ces derniers mois à une escalade manifeste dans les interdictions, officielles et non officielles, de plusieurs activités associatives, sans parler de procès politiques intentés à quelques défenseur (e)s des droits de l’Homme et des menaces proférées et exécutées contre des militants et activistes démocrates.

L’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), ONG déclarée d’utilité publique au Maroc, s’est vue refuser pratiquement toute activité à commencer par ses colonies de vacances et la tenue de conférences dans des salles publiques ;

Amnesty International-Maroc- s’est vue également refuser l’organisation d’une rencontre qu’elle avait l’habitude de tenir entre les jeunes de plusieurs nationalités autour de la Méditerrannée.

La Ligue Marocaine de Défense des Droits de l’Homme (LMDDH), n’a pas été, non plus, épargnée par ces interdictions. Des salles lui ont été interdites d’accès.

Une caravane de solidarité avec les migrants subsahariens avait été interdite de se rendre à Tanger où des Subsahariens ont été victimes d’agression conduisant à la mort de certains d’entre eux.

Et que dire de l’interdiction de la nouvelle association « Freedom Now– Al Houria Al an » qui a été fondée en avril dernier, pour défendre la liberté de la presse et d’expression sous toutes ses formes. Une fois fondée, le ministère de l’Intérieur a refusé de réceptionner son dossier légal de constitution, ce qui a poussé ses fondateurs à s’adresser au tribunal administratif en mai dernier. Dans son mémorandum au tribunal, l’avocat du ministère a brandi une explication pour le moins curieuse : un membre du bureau exécutif de ladite association, Rida Benotmane, a été jugé en 2007 dans le cadre de la loi antiterroriste, et un autre membre, l’ingénieur Ahmed Benseddik, a retiré son allégeance au roi.

Des menaces ont été proférées à l’encontre de Maâti Monjib, universitaire, historien qui a écrit sur l’affaireBen Barka, animateur d’un excellent site électronique « Zaman » et un des fondateurs et responsables de l’association Freedom Now. Les sécuritaires marocains ont mis leur menaces à exécution en agressant physiquement le mercredi 24 septembre Hicham Mansourichef de projet de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI), alors qu’il sortait d’un restaurant où il était en compagnie justement de Maâti Monjib, membre également du bureau d’AMJI.

D’autres militant(e)s et défenseur(e)s des droits de l’Homme ont été condamné(e)s à des peines d’emprisonnement pour leur combat pour la justice, la démocratie, la dignité et l’État de droit au Maroc. C’est le cas de Wafae Charaf, condamnée le 11 août 2014 par le tribunal de Tanger à un an de prison ferme et de Oussama Housni, condamné le 23 juillet 2014 par le tribunal de Casablanca à trois de prison ferme. Tous les deux sont des défenseur(e)s des droits de l’Homme et militant(e)s du mouvement 20-Février. Ils se sont plaints de mauvais traitement et de torture lors de l’arrestation. Un collectif international auquel l’ASDHOM s’est jointe, a été créé en France et des actions devant l’ambassade du Maroc à Paris ont été montées en guise de solidarité.

L’ASDHOM considère ces deux arrestations comme arbitraires. Leur condamnation à de la prison ferme est un encouragement à la poursuite de la politique d’impunité dont jouissent les responsables d’exactions au Maroc. Les autorités marocaines tentent par tous les moyens de dissimuler leurs actions liberticides qui vont à l’encontre de leur discours en matière d’engagement du Maroc contre la pratique de la tortue et les traitements dégradants, cruels et inhumains.

Le discours menaçant du ministre de l’Intérieur, tenu devant la représentation parlementaire à l’adresse des ONG marocaines des droits de l’Homme, ne laisse aucun doute sur cette volonté de les bâillonner encore plus. Il avait clairement laissé entendre que les autorités marocaines allaient s’occuper de toutes ces ONG qui « servent un agenda étranger » en faisant allusion à leurs subventions reçues de l’étranger, et qui « entravent les actions des responsables marocains contre le terrorisme et la criminalité »…rien que ça !

 

Nous reviendrons plus en détail, lors des prochains points, sur les listes des prisonniers politiques et d’opinion et leurs conditions de détention pour que leurs parrains et marraines puissent suivre avec nous les informations les concernant.

 

Nous terminons ce point par signaler qu’il y a eu pendant cette période quelques libérations qui nous réjouissent tout de même. Nous les espérons plus nombreuses.

                     Mouad Belghouat, alias Elhaqed, le poète du mouvement 20-Février, a été libéré le 18 septembre 2014 après 4 mois de détention à la prison Ain Borja de Casablanca ;

                     El-Hafed Toubali, le prisonnier politique sahraoui, a été libéré sous conditions le 14 août 2014 après 6 mois de prison passés à la prison de Tiznit ;

                     Mahjoub Oulad Cheikh, Kamal Trayah et Mohamed Manolo, trois défenseurs sahraouis des droits de l’Homme, jugés à 3 ans de prison ferme dans le même dossier que leur camarade Hassana Elouali, décédé le 28 septembre, viennent de quitter la prison de Dakhla ;

                     Cheikh Amaïdan, prisonnier politique sahraoui, a été libéré le 9 août 2014 après avoir passé 5 ans derrière les barreaux des prisons d’Ait Melloul et de Laâyoune ;

                     Ghali Bouhla, prisonnier politique sahraoui, a été libéré le 29 juillet 2014 après 3 ans de détention passés dans les prisons de Laâyoune et d’Ait Melloul ;

                     Brahim et Taha Daoudi, deux frères sahraouis, qui étaient détenus à la prison de Tiznit depuis un an, ont été libérés le 7 août 2014. Leur père, Mbarek Daoudi, continue quant à lui sa détention préventive de plus de 7 mois à la prison de Salé1 ;

                     Hassan Chouiâr, prisonnier politique sahraoui, a été libéré le 27 septembre 2014 après avoir purgé une peine d’un an d’emprisonnement à la prison d’Ait Melloul. Deux jours après, la Cour d’appel d’Agadir le condamne à 5 ans de prison ferme. Retour case prison ;

 

Le bureau exécutif de l’ASDHOM

Paris, le 3 octobre 2014

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