Communiqué du 13 juillet 2015
Accord d’entraide judiciaire entre le Maroc et la France.
L’AMDH Paris dénonce l’amendement au protocole d’entraide judiciaire entre le Maroc et la France qui a été voté par l’Assemblée Nationale le 23 juin 2015. Le projet de loi passera au vote au sénat français le 15 juillet 2015.
Rappel de la cause de la rupture de la coopération judiciaire entre le Maroc et la France.
Ce texte intervient après le rétablissement samedi 31 janvier de la coopération entre le Maroc et la France. Cette coopération judiciaire avait été suspendue pendant dix mois suite à une convocation par un juge d’instruction français du directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire (la DGST – le contre-espionnage marocain), Abdelatif Hammouchi. Plusieurs plaintes avaient été déposées contre lui pour torture et complicité de torture.
Suite à la suspension du Maroc de cet accord de coopération judiciaire et bien que le chef du contre-espionnage marocain était toujours poursuivi par la justice française pour acte de torture, le ministre de l’intérieur français, Bernard Cazeneuve, a exprimé la volonté de la France de décorer Abdelatif Hammouchi de la légion d’honneur. Continuant à ignorer les soupçons d’actes de torture commis par de hauts responsables marocains et privilégiant la reprise de la coopération judiciaire entre le Maroc et la France, le gouvernement français a déposé en procédure accélérée un nouvel accord d’entraide judiciaire.
Contenu du nouvel accord
Le projet de loi n°2725 obligerait chaque pays d’informer l’autre en cas de procédure pénale ouverte sur son territoire et engageant la responsabilité d’un ressortissant de l’autre pays. De plus, si l’autre pays décide d’ouvrir sa propre procédure contre son ressortissant, le premier pays devrait prioritairement renvoyer le dossier à l’autre pays ou clore le dossier.
Ce texte remet en cause le principe de « compétence universelle », qui est un engagement international de la France, imposé par la Convention de 1984 contre la torture. Il est à rappeler que la compétence universelle est un principe de droit international donnant compétence aux juridictions nationales de juger des actes graves commis n’importe où dans le monde et par quiconque. L’idée est que les auteurs de crimes graves ne trouvent refuge nulle part.
Plusieurs organisations non gouvernementales (Amnesty, HRW, ACAT, FIDH, Syndicat de la Magistrature, etc.) ont pointé du doigt ce danger (la remise en cause de la compétence universelle) : cet amendement détourne le droit international, ici la Convention de 1984 contre la torture, et crée un précédent dangereux (un accord bilatéral détourne une convention internationale). D’autres pays, aussi peu soucieux de la lutte contre la torture que le Maroc, pourront demander, en fonction des circonstances, des accords semblables. Cela peut constituer un pas vers le morcellement des conventions internationales. En plus du volet juridique, le pouvoir politique français exprime, à travers cette concession, un soutien fort aux tortionnaires au Maroc.
Positionnement de la section
Nous estimons que ce protocole réduit les chances des victimes de crimes contre l’humanité de poursuivre les auteurs présumés de ces crimes dans le cadre d’un procès équitable. Ainsi, cet amendement au protocole d’entraide vise à renforcer les liens entre le Maroc et la France au détriment de potentielles victimes d’actes de tortures. Il protège de potentiels tortionnaires. Il est du devoir des deux pays de respecter leurs engagements internationaux respectifs, contribuer à la défense des droits humains et surtout lutter contre les crimes contre l’humanité.
Le Bureau de l’AMDH-Paris/IDF
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