Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires
Communiqué du FUIQP
Les Cheminots CHIBANIS de la SNCF ont démontré que la lutte paie !
Les cheminots Chibanis ont fait plier la multinationale SNCFÂ !
Bravo donc, et hommage militant aux cheminots Chibanis ainsi qu’à ceux décédés (au travail pour certains et en retraite pour d’autres), en espérant que leurs veuves et ayants droit ne souffriront pas d’un autre marathon judiciaire pour bénéficier des fruits de cette lutte.
Plus de 842 cheminots, majoritairement Marocains (sur environ 2000 recrutés par la SNCF dans les années 1970) ont saisi la justice en 2005, il y a donc 10 ans. Ils ont obtenu la condamnation de l’entreprise (étatique faut-il le rappeler !) pour discriminations au travail ainsi qu’une réparation financière à hauteur de 170 millions € (de 130 à 200.000 € pour chaque Chibani). Le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Paris le 21 septembre 2015 sera exécuté à partir du 23 octobre 2015, sauf si la SNCF fait appel : la lutte continue donc !
Les cheminots Chibanis ont lutté pendant près de 10 années d’instructions, d’audiences, de renvois, pour enfin obtenir leurs droits et ce qu’ils ont de plus cher : la dignité ! Ce que nous avons aussi au FUIQP.
Cette victoire est en effet une victoire contre le racisme institutionnel : la SNCF est une institution qui a été reconnue coupable de discriminations en raison de l’origine de ces travailleurs (ils n’étaient pas de nationalité française, au moment de leur recrutement, même si environ une moitié d’entre eux sont devenus Français au cours de leur carrière, sans d’ailleurs forcément gagner au change comme cela a été démontré par les juges de départage et leur avocate).
Il n’est pas inutile de rappeler, dans la phase judiciaire de cette lutte, l’épisode de l’avocate Karima Gassem déchargée par sa hiérarchie du dossier : la presse avait évoqué le motif (fallacieux) qu’elle est de la même origine que les Chibanis (et donc suspecte de partialité) ! Alors, l’institution judiciaire suspecte de racisme ?
Cette lutte est une illustration de la réalité du racisme étatique : la SNCF est une entreprise d’Etat, et donc la responsabilité de l’Etat est engagée (comme elle l’a été lors de la condamnation de la SNCF par un tribunal des Etats-Unis pour la déportation des Juifs pendant la 2ième guerre mondiale).
Ces discriminations subies par ces Chibanis ont été reconnues comme fondées juridiquement : le tribunal et l’avocate ont puisé leurs arguments dans des textes fondamentaux : préambule de la Constitution, l’article 14 de la CEDH (Convention Européenne des droits de l’homme), la Convention 111 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), les dispositions de l’article L 1132 du Code du Travail, et diverses dispositions du contrat de travail que la SNCF a signé et n’a pas respecté.
Quel culot quand la SNCF évoque (par ses avocats pour sa défense) le fait que les textes juridiques sont postérieurs au contrat de travail signé par les Chibanis (après 1982 pour la plupart) ; ou encore que, la SNCF, entreprise à statut, a donc des obligations particulières en liaison avec la défense nationale ! Cela ne laisse-t-il pas penser que les Chibanis (comme les jeunes immigrés) peuvent être des ennemis potentiels de l’intérieur !
La SNCF n’en est d’ailleurs pas à sa dernière discrimination : rappelons-nous que, lors de la visite d’un des premiers dignitaires de l’Etat sioniste qui devait passer par la Gare du Nord (Paris), tous les cheminots basanés, musulmans de cette gare ont été interdits d’accès pour des raisons de … sécurité !
C’est une victoire syndicale.
Les Chibanis n’ont pas manqué de combativité militante syndicale : outre les multiples démarches, délégations, débrayages, ils ont notamment organisé une manifestation devant le siège SNCF, occupé le siège le 19 avril 2012, organisé une manifestation devant le ministère des Transports, occupé le siège et séquestré les dirigeants en 2004. Certains ont même entamé une grève de la faim en juillet 2012.
Les Chibanis ont lutté contre la surexploitation au travail : vivant souvent dans des trains-chantiers, ils ont exercé des métiers très durs (presque toujours à l’extérieur, sur la voie pour poser le ballast, les rails, les traverses, les manœuvres de triage des wagons, des locomotives, ….). Tout ce qu’il faut pour qu’un train puisse rouler ! N’est-ce pas aussi grâce à ces Chibanis que la France peut s’enorgueillir d’avoir un des plus importants réseaux ferroviaires du monde ?
C’est une leçon de syndicalisme de classe : ces cheminots Chibanis apportent la preuve que les travailleurs doivent lutter pour faire respecter leurs droits codifiés dans leurs contrats ou encore pour obtenir l’égalité dans les droits.
Il est très instructif de voir le détail des discriminations au travail :
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absence d’évolution de carrière : ils ne pouvaient Ă©voluer que dans le collège d’exĂ©cution (sur 3 classifications A, B et C – D seulement après 2004 – contre 8 classifications permettant d’accĂ©der aux postes d’agents de maĂ®trise et de cadres pour le reste des cheminots), alors que, Ă la diffĂ©rence des autres contractuels de la SNCF, ils exerçaient des mĂ©tiers de cheminots, c’est-Ă -dire figurant au dictionnaires des mĂ©tiers de la SNCF
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limitation de l’accès aux examens professionnels
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Non accès aux soins médicaux gratuits (en dehors de la visite médicale annuelle d’aptitude) comme c’est le cas pour les autres cheminots
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Non attribution des conditions préférentielles de transport (carte de voyage gratuit sur le réseau (jusqu’en 2010 pour les retraités et 2012 pour les actifs)
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Conditions de départ moins avantageuses sur l’âge et sur le montant de la pension :
* les Chibanis ne pouvaient partir qu’à partir de 60 ans (sous peine de forte minoration de la pension) tandis que les cheminots pouvaient liquider leur retraite à partir de 55 ans (hors agents de conduite, et 57 ans après 2008) après 25 ans d’activité (27 ans après la modification de 2008)
* les Chibanis n’ont pas bénéficié du régime spécial des Cheminots qui prévoit un minimum de pension garanti (égal à environ 3380 € par trimestre depuis de décembre 2008), avec réajustement annuel
* ce régime spécial prévoit aussi une majoration de 10% pour les trois premiers enfants élevés et 5% à partir du quatrième, ce dont n’ont pas bénéficié les Chibanis
* les veuves et ayants droit des Chibanis décédés ont eu des pensions de misère (entre 200 à 300 € de pension)
On peut remarquer, que, au vu des ces nombreuses discriminations, tout au long des carrières des concernés, la réparation financière de 170 millions € (soit environ 5000 € par an pour chaque Chibani, pour près de 40 ans de non respect des droits), si elle est bienvenue pour des familles aux revenus modestes, ne représente qu’une petite somme pour la multinationale compte tenu des économies réalisées sur le dos de ces travailleurs.
Rappelons qu’en date du 30 janvier 2006, lors de la concertation avec les organisations syndicales, il a été admis par la direction de la SNCF, que la suppression de la clause de nationalité pour l’incorporation des cheminots Chibanis au « Statut de cadre permanent », entraînerait une dépense annuelle de 70 millions € par an (en partie du fait de la différence de taux de cotisation employeur pour la retraite, 12% pour les Chibanis et 35% pour les Cheminots à statut). Ce qui a été jugé insupportable par la SNCF !
Cette lutte des cheminots Chibanis est enfin et surtout un exemple de l’efficacité de l’auto-organisation indépendante politiquement et financièrement comme on veut que soit construit le FUIQP ! Ils ont pris en charge et résolu leurs problèmes à la fois spécifiques et syndicaux. Les syndicats ont notablement manqué à l’appel et à la mobilisation autour de cette lutte, malgré le recours des Chibanis à leurs structures ; même si des militants syndicaux et militants associatifs, à titre individuel, s’y sont investis. Un exemple de soutien qu’il faut citer : l’association Droit à la Différence a largement popularisé, au sein et en dehors du FUIQP, la lutte des cheminots Chibanis.
La CGT (nationale) n’a même pas jugé utile de se porter volontaire pour les soutenir au procès du 21 septembre 2015 ! Et Sud Rail, qui s’est porté volontaire, a été écarté par le tribunal au motif que son représentant n’avait pu produire un mandat du bureau national de son syndicat. On ne se réveille pas à la fin de … 10 années de procédures !
Avant ce combat en justice, les syndicats, auxquels les cheminots Chibanis étaient affiliés et au sein desquels ils ont mené des luttes, ont abdiqué et fini par accepter l’argument de la SNCF : la cause de nationalité est légale. Au lieu de mettre en avant, comme ce doit être le cas dans un syndicat de classe : égalité des droits au travail !
Nous ne cesserons de le répéter et de le pratiquer : le FUIQP invite ses militants et adhérents à investir le terrain syndical sur une base de mobilisation sur le terrain, de la défense des intérêts matériels et moraux des concernés, mais sans subordination aucune !
Ce combat n’est pas sans rappeler celui des mineurs Marocains du Nord qui ont lutté pendant près de 25 ans pour obtenir leurs droits !
Il en est de même pour les Anciens Combattants d’Afrique en ce qui concerne leur pension !
Aujourd’hui, le gouvernement persiste dans ses discriminations vis-vis des Chibanis et Chibaniyas en systématisant les contrôles de leur allers-retours entre la France et leurs pays d’origine. Il y a bien eu la loi Borloo, pour contractualiser les allers – retours et assouplir l’accès à la nationalité : la mission parlementaire Bachelay par la suite est allée également dans ce sens, sans avancées réelles pour les Chibanis et Chibaniyas.
Au FUIQP, nous revendiquons la suppression des ces contrôles des allers-retours entre la France et bled !
Nous nous adressons aussi aux pays d’origine de ces travailleurs : les dirigeants de ces pays ne se sont pas engagés dans la défense de la dignité de leurs citoyens pour … continuer à tirer profit de leurs relations d’affaires avec la France et ses multinationales ?
Le sort des Chibanis est celui de l’immigration !
Défendre est notre devoir, résister est notre existence !
Nous soutiendrons et lutterons contre toutes les formes de discriminations !