Association Marocaine des Droits Humains – Section de Rabat

Rapport sur les violations des droits humains Ă  Hoceima le 20/07/2017

Les activistes de Hirak Rif ont appelé à une marche nationale à Hoceima le 20/07/2017 afin de continuer à faire pression sur l’État et afin de satisfaire les revendications du Hirak.

La région de Hoceima est entrée dans une étape difficile marquée par la violence et la terreur exercées par l’État, et dont le résultat est de centaines d’arrestations et de blessures suite à la répression des manifestations, en plus de la torture et de l’humiliation.

Le 20 juillet 2017, des milliers d’habitants de Hoceima, d’activistes d’autres villes marocaines et des marocains résidant à l’étranger ont répondu à l’appel de la marche nationale. Ce jour a connu une violente répression exercée sur les manifestants par la force publique, dans une continuité de l’approche sécuritaire, unique réponse de l’État aux revendications économiques et sociales. La censure du réseau internet et couverture médiatique officielle ont favorisé la propagation d’une version des faits différente de ce qui s’est passé à Hoceima ce jour là.

La violence excessive rend les témoignages des participants à cette marche difficiles à croire.

Dans ce contexte, la section AMDH Rabat, après consultation des activistes et associations présentes à Hoceima le 20 juillet, considère qu’il est indispensable de documenter ces événements. Notre objectif est de participer à pousser l’État à respecter les droits humains, à casser l’assiégement médiatique que subit la région et à poursuivre les responsables des auteurs de violations des droits humains. La section a donc organisé une réunion publique de collecte de témoignages des participants à la marche le 27 juillet 2017.

36 activistes ont répondu à notre appel à témoignages, dont 16 participantEs à la marche de Hoceima le 20/07/2017.

Afin de garantir le plus grand degré de crédibilité, la méthodologie suivante a été adoptée :

  •  Ne sont retenus que les tĂ©moignages de personnes ayant participĂ© aux manifestations de Hoceima le 20 juillet 2017
  •  Ne sont retenus que les tĂ©moignages prĂ©sentĂ©s lors de la rĂ©union publique dans le siège de l’AMDH
  •  Ne sont retenus que les tĂ©moignages nominatifs et accompagnĂ©s de la qualitĂ© de leurs auteurs
  •  Ne sont retenus que les tĂ©moignages prĂ©sentĂ©s devant camĂ©ra
  •  Ne sont retenus que les tĂ©moignages de violations de droits humains, les analyses et avis personnels Ă©tant Ă©cartĂ©s.

Le résultat de ce travail est le présent rapport sur les violations des droits humains à Hoceima le 20 juillet 2017, dont la plus grave est l’atteinte à la vie d’Imad Attabi, jeune manifestant décédé suite à la répression violente de la manifestation.

A souligner que les témoignages relatent ce qui s’est passé à Hoceima la journée et la soirée du 20 juillet, sachant que des affrontements ont  u lieu aux alentours de Hoceima et pendant les journées suivantes dans l’absence de la presse et des défenseurs des droits humains, et sans que personne ne sache ce qui s’est vraiment passé.

Rapport sur les violations des droits humains Ă  Hoceima le 20/07/2017

Le 20 juillet 2017 a connu des violations flagrantes des droits humains avant, pendant et près la marche nationale de solidarité avec Hirak Rif. Le présent rapport ne recense pas toutes ces violations, mais rapporte des cas observés par des témoins et présente un aperçu général de la situation.

Le rapport se décline sur les axes suivants :

  • Droit Ă  la vie
  • Arrestation et dĂ©tention politique
  • LibertĂ© d’information et de presse
  • LibertĂ© de circulation
  • Mauvais traitements
  • Atteinte Ă  la vie privĂ©e
1. Droit Ă  la vie

Le plus sacré des droits humains a été atteint à Hoceima le 20/07/17, suite à l’utilisation des grenades lacrymogène comme projectiles par les forces publiques. Cet acte, contraire à la loi, aux normes internationales de dispersion des rassemblements et au droit à l’intégrité physique, a été observé à plusieurs reprises et a causé au moins 4 blessés plus ou moins graves, et a provoqué le décès du jeune Imad Attabi, qui a reçu une grenade lacrymogène au niveau de la tête. Imad Attabi a été transporté à l’hôpital de Hoceima puis à l’hôpital militaire de Rabat dans une situation critique. Son décès a été annoncé le 8 août 2017.

2. DĂ©tention politique et arrestations arbitraires

Les forces publiques ont arrêté d’une manière aléatoire et arbitraire un grand nombre de personnes suspectées de vouloir participer à la marche. Le nombre d’arrestation varie entre 250 et 300 personnes, dont la majorité a été relâchée la soirée du 20 juillet ou le lendemain, et 33 personnes gardées en détention. Parmi ces personnes, le journaliste Hamid Mahdaoui a été condamné le 25 juillet à 3 mois de prison ferme et 20 000 dirhams d’amende, 3 personnes ont été condamnées à 1 an de prison ferme, 10 personnes ont été condamnées à 6 mois de prison ferme.

Les détenus ont subit des actes humiliants et un mauvais traitement de la part des forces de l’ordre, dont les rouées de coups, le matraquage, le gaz lacrymogène et le prélèvement d’ADN sans autorisation.

Une ambulance appartenant à la Protection Civile a été utilisée par des éléments de police pour l’arrestation de participants à la marche. Des manifestants blessés ont été arrêtés dans leur chemin vers l’hôpital de Hoceima.

3. Liberté d’information et de presse

Les témoignages, la presse et les communiqués d’organisations de défense du droit à l’information (comme Reporters Sans Frontières) ont confirmé la censure du réseau internet et le brouillage du réseau téléphonique à Hoceima le 20 juillet 2017, ce qui a rendu impossible la communication et le partage d’informations en direct de la ville. La coupure du réseau nécessite des moyens qui ne sont en possession que d’une seule partie : l’État.

Plusieurs journalistes ont été harcelés et agressés, dont deux journalistes arrêtés. L’un des journalistes a été relâché le même jour, le deuxième a été condamné à 3 mois de prison ferme (Hamid Mahdaoui).

4. Liberté de circulation

Les 19 et 20 juillet 2017, les forces publiques, et plus précisément les éléments de police et de gendarmerie royale, ont installé des barrages sur toutes les routes menant à Hoceima. Toutes les personnes suspectées de participer à la manifestation ont été arrêtées aux barrages et un grand nombre a été interdit d’accéder à la ville.

A l’intérieur de la ville, les forces publiques ont bloqué l’accès à la place centrale et toutes les rues y menant.

5. Droit au rassemblement et Ă  la manifestation publique

Le ministère de l’Intérieur a interdit la marche du 20 juillet à Hoceima à laquelle ont appelés les activistes de Hirak Rif. Le bureau central de l’AMDH a considéré cette interdiction non justifiée et a appelé à la participation massive à la marche. Les activistes de Hirak Rif ont maintenu la date de la marche et ont renouvelé leur appel à la solidarité nationale.

L’interdiction de la marche est une décision non justifiée, et constitue une violation flagrante du droit à la manifestation et au rassemblement pacifique garanti par la Constitution.

Un grand nombre d’éléments de forces publiques a été mobilisé pour la répression de la manifestation (estimé à 30 000 éléments de police, de gendarmerie royale, forces auxiliaires, brigades d’intervention rapide).

Les forces publiques ne se sont pas contentées d’interdire la marche, et ont réprimé toute forme de protestation dans la ville de Hoceima.

6. Mauvais traitement

Les appareils sécuritaires ont utilisé la force excessive et non proportionnelle à l’encontre des manifestantEs. Les formes de mauvais traitement qui ont été exercés sur les manifestantEs peuvent être classés comme suit :

  • Injures et humiliation verbale, discours de haine, propos obscènes et racistes.
  • Rouage de coups, matraquage et caillassage.
  • Utilisation de gaz lacrymogène, de production française, de manière excessive qui ne tient pas compte de la loi et des normes internationales d’usage de la force publique. Le gaz lacrymogène a Ă©tĂ© utilisĂ© dans des endroits fermĂ©s ou Ă©troits, Ă  l’intĂ©rieur d’une voiture et du balcon d’une habitation.
  • Utilisation des grenades de gaz lacrymogène comme projectiles, ce qui a provoquĂ© au moins 4 blessĂ©s (deux au niveau du ventre, deux au niveau des jambes) et la blessure grave d’Imad Attabi au niveau de la tĂŞte qui a causĂ© son dĂ©cès.
  • Utilisation de voitures appartenant Ă  la police pour la dispersion des manifestants : des estafettes ont foncĂ© en vitesse dans la direction des foules pour les disperser.
  • Harcèlement sexuel de manifestantes par des Ă©lĂ©ments des forces publiques.
    7. Atteinte à la vie privée

    Les forces publiques ont établi un fichier de toutes les personnes venues d’autres villes pour participer à la marche nationale. Les personnes arrêtées aux barrages et les personnes arrêtées pendant les manifestations ont subi des interrogatoires qui dépassent le simple contrôle d’identité pour la collecte d’informations intimes. Les personnes arrêtées ont subi des prélèvements d’ADN forcés, sans leur autorisation ou celle du procureur.

 

N.B. : les témoignages sont annexés à la version en langue arabe du rapport.
FIN

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