Si les textes relatifs aux Droits de la Nature regroupent différents éléments allant des Droits de l’Humanité à la Charte de la Terre, nous allons nous orienter vers celui qui concerne les Droits à la Terre Mère à travers la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère adoptée en 2010 qui stipule que « Reconnaît la Terre comme communauté indivisible de la vie peuplée d’êtres interdépendants et considère le respect desdits droits comme condition première à l’effectivité des droits humains. La Déclaration liste 12 droits de la nature et y adjoint 13 devoirs pour l’Homme ».[1]

Nombreux sont les combats menés au Maroc et tournant autour du Droit à la Terre : Femmes et terres Soulaliyates, Mouvement Akal Souss, Mouvement Abrid 96 Imider, pour n’en citer que ceux-ci. Nous avons choisi de retenir le combat de la population d’Imider, région montagneuse du Sud-Est marocain, qui compte la plus grande mine d’Argent d’Afrique et dont les habitant-e-s ne jouissent d’aucun de leurs droits les plus élémentaires (éducation, santé, logement, infrastructure …). La région est l’une des plus pauvres en termes d’infrastructures : Les écoles sont à de nombreux kilomètres des villages, les routes sont dangereuses aussi bien pour les conducteur-rice-s que pour les enfants qui marchent dans le froid et la chaleur, les Centres de Santé sont désertés de personnel et de matériel (rappelons le tragique décès de la petite Idya de 3ans, dans la région de Toudgha non loin d’Imider, après une chute alors qu’elle jouait, aucun diagnostic n’a pu être fait dans la ville de Tinghir ni celle d’Errachidia, faute d’avoir un scanner médical). Tout ceci a poussé la population – dès les années 70 – à dénoncer les conditions de vie désastreuses et l’exploitation de la terre et de ses ressources naturelles. Le 20 août 2011, en parallèle avec la dynamique sociale qu’a connu le Maroc et le Monde, a débuté le sit-in des habitant-e-s d’Imider sous le nom d’Abrid 96 (sur la voie 96) où les manifestations se sont tenues de nuit comme de jour, les marches se faisaient sur plusieurs kilomètres et la répression a entraîné l’emprisonnement de plus de 30 militants. Le mouvement continue d’exister, le sit-in a quant à lui été interrompu le 17 septembre 2019, il a duré 8 ans et est considéré comme étant le plus long sit-in au Monde.

Dans un pays qui roule à deux vitesses et où l’on continue à qualifier des régions d’inutiles, les populations ne profitent jamais de leurs richesses naturelles, l’une des raisons qui fait naître la révolte. A Imider, la révolte fut pacifique, démocratique et pleine de bonne volonté avec la particularité de combiner les revendications économiques et sociales et à des revendications écologiques également. La seule réponse a été : plus de répression et plus de marginalisation.

Rappelons que dans le cadre de cette dynamique sociale, le mouvement Abrid 96 s’était revendiqué comme mouvement autonome et apolitique, a trouvé comme siège le Mont d’Alebban (1000 mètres d’altitude), a défendu le droit des tribus autochtones d’Aït Atta à leurs terres et leurs ressources naturelles qui se sont vues spoliées. Les habitant-e-s d’Imider et le mouvement Abrid 96 ont tenu un bras de fer tenu face à la société minière Managem qui exploite la mine d’Argent d’Imider, l’une des raisons principales du début de ce combat.

Entre 2012 et 2014, les arrestations se sont multipliées, les prisonniers politiques du mouvement Abrid 96 étaient au nombre de 30 et ont fait le tour des prisons (dans le but de les disperser et de minimiser le contact entre eux), entre Ouarzazate, Errachidia, Meknès et Salé. Ils ont ainsi été privés de soins, les visites familiales se compliquaient (les familles traversaient plusieurs centaines de kilomètres pour une dizaine de minutes de visite) et la poursuite d’études aussi. Ils ont écopé de deux à quatre ans de prison avant de retrouver leur liberté.

A l’AMDH Paris/Idf, nous avons organisé une conférence débat autour du droit à la terre le 8 décembre 2018 où Omar Moujane, activiste du mouvement Abrid 96 et ancien détenu politique d’Imider, nous a éclairé sur la situation sur place, la détention politique, le rôle de la femme dans le mouvement … L’un des points souligné par Omar était la décision prise par lui et ses camarades lors de leur détention : Ne pas détourner le combat d’Imider et le concentrer sur leur libération uniquement, le combat devait continuer sur la base des revendications premières.

Par : Soumaya Regragui


[1] https://www.sol-asso.fr/wp-content/uploads/2012/04/Universal-declaration-of-the-rights-of-mother-earth-FR.pdf

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