moumni

Je me permets de vous envoyer aujourd’hui ce courrier à l’occasion de la tenue du Forum international des Droits de l’Homme à Marrakech du 27 au 30 novembre prochain. Je souhaite en effet évoquer l’injustice extrêmement grave dont j’ai été la victime au Maroc de la part du pouvoir marocain.
Je m’appelle Zakaria Moumni, je suis Franco-Marocain et sportif professionnel : champion du monde de Boxe Thaïlandaise lors des Championnats WKA (World Kick Boxing Association) sous les couleurs du Maroc.

Le 27 septembre 2010, en arrivant à l’aéroport de Rabat venant de Paris, au passage de la douane, un policier me dit que je suis sous surveillance pour « atteinte à la personne sacrée du roi ». J’ai été ensuite enlevé par des policiers en civil (la police secrète de la DGST Direction Générale de la Surveillance du Territoire) dans une voiture banalisée qui m’attendait sur le tarmac de l’aéroport de Rabat. Ils m’ont bandé les yeux, ligoté les mains, m’ont couché à l’arrière de la voiture et m’ont recouvert d’une veste. J’ai été conduit dans un endroit secret, qui s’est avéré être le centre de détention secret de Temara, où j’ai été séquestré et où j’ai subi 4 jours de tortures.
A mon arrivée, ils m’ont mis nu, m’ont ligoté les pieds et les mains. Toujours les yeux bandés, j’ai subi des tortures de toutes sortes : j’ai été électrocuté partout sur le corps, suspendu par les pieds et tabassé avec des barres de fer sur les jambes et les tibias.
Pendant ces quatre jours, j’ai été privé de nourriture, d’eau et de sommeil. Je devais leur raconter sans cesse ma vie. En fait, ils voulaient me contraindre par la torture à oublier ma rencontre avec le roi et son secrétaire particulier, Mounir Majidi. A chaque fois que je parlais d’eux ils cognaient plus fort en me disant « Ce chapitre-là, il faut que tu le rayes de ta mémoire « . A un moment de torture et avec la rage, j’ai réussi à enlever le bandeau sur mes yeux et c’est à ce moment-là que j’ai vu le directeur de la DGST, Abdellatif Hammouchi. A. Hammouchi a alors quitté la pièce en courant.

Tout au long de ces quatre jours de tortures, ils n’ont cessé de me répéter : « Ici, c’est l’abattoir de Sa Majesté et, nous, on ne dépend ni du ministère de l’Intérieur, ni du ministère de la Justice. Nous, on travaille directement avec le roi. Et ça, c’est les ordres du roi. Ici, on va te découper, faire de toi de la viande hachée et tu sortiras dans des boîtes de conserve, Tu as beau remuer ciel et terre, tu ne sortiras pas d’ici vivant et comme ça, ça t’apprendra à aller manifester devant chez le roi ou parler de Majidi dans les médias » .
Mounir Majidi est la seule personne à m’avoir menacé de mort ( « T’as de la chance d’être en France, si t’étais au Maroc, on t’aurait déjà fait la peau ! » ) devant la résidence privée du roi à Betz en France.
Au terme de ces terribles quatre journées, on m’a fait subir un procès expéditif, seul, sans avocat pour me défendre et sans me dire ce qui m’était reproché. J’ai crié haut et fort devant la personne qui s’est avérée être le juge que j’ai été enlevé, séquestré et torturé, il ne voulait rien entendre et n’a ordonné aucune enquête pour vérifier mes dires.

Le lundi 4 octobre, j’ai été condamné à une peine de trois ans de prison ferme pour « escroquerie » après un simulacre de procès sans victimes et des « aveux » que j’ai dû signer sous la torture et les yeux bandés.
Au total, j’ai passé 18 mois en prison suite à une procédure judiciaire arbitraire et un procès inique.
Ces pratiques ont été condamnées unanimement par Human Rights Watch (HRW), Amnesty International, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et des associations marocaines de défense des Droits de l’Homme, (AMDH et ASDHOM) ainsi que par le Parlement Européen.
J’ai eu également le soutien de plusieurs hommes et femmes politiques Français et députés de plusieurs pays.
La FIDH a même envoyé le 8 décembre 2011 une Lettre ouverte au roi du Maroc pour demander ma libération immédiate. Le 04 février 2012 j’ai été gracié par le roi Mohamed VI suite à une forte mobilisation internationale et sous la pression des Organisations Internationales des Droits de l’Homme.
Une semaine avant la grâce royale, le roi m’avait envoyé un émissaire chargé de me transmettre le message du roi selon lequel il venait d’apprendre ma situation et que connaissant mon innocence il comptait me gracier le 04 février, le jour de mon anniversaire. Cet émissaire m’a également informé que le roi allait me recevoir en audience pour me rendre justice et juger les tortionnaires et le commanditaire des actes de torture dont j’ai été victime.

Après ma libération et mon retour à Paris, le discours a changé. J’ai été contacté par Abdeljaouad Belhaj, le Directeur du Protocole Royal et de la Chancellerie pour m’annoncer que l’agenda du roi était chargé et qu’il me contacterait ultérieurement.
Puis le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Mohand Laenser, m’a contacté se présentant comme « mandaté par le roi du Maroc » et qu’il « y a bien eu une injustice » et m’informant être le messager entre le roi et moi pour réparer cela.
Le 3 mars 2013, nous nous sommes rendus au Maroc, moi et mon épouse, pour une durée de 48h, sur invitation de Mohand Laenser en vue d’une audience avec le Roi qui n’a pas eu lieu car le Roi était occupé selon leurs dires. D’ailleurs, le Quai d’Orsay et l’Elysée avait été mis au courant de cette invitation et de notre déplacement au Maroc, nous les avions informés si jamais nous avions des « mauvaises surprises » sur place.
Sur place, lors des négociations dans la chambre d’hôtel où le ministre nous a fait séjourner (La Tour Hassan à Rabat), on a essayé par tous les moyens de me faire accepter de l’argent et on m’a demandé de « composer avec Mounir Majidi », le commanditaire des actes de torture et l’emprisonnement arbitraire dont j’ai été la victime.
Après notre retour, et après quelques échanges avec Mohand Laenser, on m’a clairement expliqué que le Maroc ne pouvait pas me rendre justice. Parce que les personnes responsables de ce que j’ai subi sont «intouchables» – en parlant de Mounir Majidi et Abdellatif Hammouchi. La seule solution qu’il m’a proposé, c’est la réparation matérielle.
Le 21 Février 2014, mes avocats Maître Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme) et Maître Clémence Bectarte, ont déposé en mon nom auprès du Procureur du Pôle spécialisé Crimes conte l’Humanité / Crimes de Guerre du Tribunal de Grande Instance de Paris, une plainte pour Torture visant Abdellatif Hammouchi, directeur général de la DGST marocaine et Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi du Maroc, comme commanditaire.
Dernièrement, le roi du Maroc a répondu à la lettre ouverte d’une citoyenne française lui demandant son intervention dans une affaire la concernant.
Moi j’ai adressé plusieurs lettres au roi afin qu’il me rende justice, dont une adressée le 24 mars 2014, pour lui expliquer ce que l’on ma fait subir dans son pays, et j’ai affirmé que j’étais prêt à toute confrontation avec les personnes que je dénonce et présenter les preuves nécessaires – les enregistrements des échanges téléphoniques avec son ministre de l’Intérieur et le Directeur du Protocole Royal. J’ai eu d’ailleurs confirmation que chacune de mes lettres avait été bien reçue et transmise au roi par son Directeur du Protocole Royal.
Le roi garde le silence et ne réagit pas aux courriers d’un citoyen Franco-marocain, enlevé, séquestré, torturé et détenu arbitrairement après un procès monté de toutes pièces durant 18 mois dans des conditions inhumaines.
Alors qu’à l’occasion de la visite de la Haut-Commissaire des Nations Unies, Mme Navy Pillay, en mai dernier, il a confirmé « l’existence de cas de torture » et qu’il ne tolérait pas cela.
Pour autant, les tortionnaires et les commanditaires des faits de torture dont j’ai été la victime, occupent toujours leur poste sans crainte d’être puni au Maroc où ils se cachent aujourd’hui.
C’est pour cela que je ferai tout pour que l’on me rende justice et que ces personnes ne jouissent plus d’aucune impunité.
Tous les représentants du pouvoir marocain mentent sur mon affaire, d’abord le ministre Mohand Laenser qui a nié me connaître avant de se rétracter et admettre qu’il y a eu des échanges entre nous, et Driss Elyazami, Président du CNDH, qui nie connaître mon affaire alors qu’il admet par la suite avoir reçu mon épouse au Maroc (ce qui d’ailleurs est un autre mensonge).
Il est clair que les autorités marocaines ont atteint un stade ultime dans le désespoir devant mon affaire et toutes les preuves que j’ai. Et elles prouvent par leurs contradictions affligeantes l’absence d’arguments face à mes dires véritables.

Le Maroc aujourd’hui accueille le Forum Mondial des Droits de l’Homme et il est curieux que le Maroc présente une vitrine montrant que le pays est impliqué dans le combat pour les Droits de l’Homme alors que derrière cette vitrine les autorités marocaines usent de toutes les méthodes mafieuses pour intimider les victimes de torture dans le pays pour qu’elles ne portent pas plainte ou qu’elles se rétractent.

Zakaria Moumni

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