Marrakech accueille le Forum Mondial des Droits de l’Homme alors que la dégradation permanente des droits humains au Maroc est internationalement constatée. Les ONG marocaines et internationales n’ont pas cessé d’alerter l’opinion publique et les autorités marocaines, insistant, en vain, auprès de ces dernières pour qu’elle mette en accord ses engagements en matière de respect des Droits Humains avec la pratique quotidienne. Les manifestations des violations des droits humains sont nombreuses : arrestations arbitraires, pratiques avérées de tortures, procès iniques suivies de lourdes condamnations, interdiction de fait des activités de plusieurs ONG marocaines de droits humains, … au point que des ONG marocaines et internationales ont décidé de boycotter ce rassemblement mondial.
Le traitement des dossiers de la disparition forcée est l’un des exemples les plus significatifs du décalage scandaleux entre le discours officiel sur les « avancées démocratiques » et « l’exception marocaine » en matière de droits humains et la réalité de l’attente des familles ainsi que du manque de considération, sinon du mépris dont font preuve à leur égard aussi bien les autorités que le Conseil National des Droits de l’Homme.
L’un des dossiers emblématiques de la disparition forcée est celui relatif à l’enlèvement et l’assassinat de Mehdi Ben Barka à Paris, le 29 octobre 1965.
Les responsabilités marocaines et françaises sont indéniables. Depuis bientôt cinquante ans, la famille de Mehdi Ben Barka et son avocat, Maître Maurice Buttin, avec l’appui sinon le soutien moral de très nombreux participants à ce forum (personnalités et ONG) cherche à établir toute la vérité sur son sort.
Des questions essentielles restent sans réponse :
– Qui sont les assassins ?
– Où est sa sépulture ?
Toutes les responsabilités (étatiques et/ou individuelles) sont-elles établies ?
Malgré une instruction judiciaire toujours en cours à Paris, la raison d’Etat (particulièrement des Etats marocain et français) multiplie les obstacles pour entraver l’action de la justice et nous dénier notre droit à la vérité.
Au Maroc en particulier, les Commissions rogatoires internationales des juges français restent sans réponse depuis bientôt plus de dix années.
Les recommandations de l’Instance Equité et Réconciliation, malgré leur portée limitée, ne sont pas appliquées : le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme et, ensuite, le Conseil National des Droits de l’Homme n’ont effectué aucune démarche dans ce sens. Depuis sa nomination, ce dernier n’a même pas daigné nous recevoir pour étudier en commun les actions à mener pour sortir ce dossier de l’impasse.
Avec les autres familles de victimes de la disparition forcée, nous avons le sentiment qu’il n’y a pas de réelle volonté à œuvrer pour la vérité et la justice, conditions indispensables pour un apaisement de la société et une authentique réconciliation. La situation actuelle empêche de mettre un terme à l’impunité et ouvre la voie à la récidive de pratiques répressives et liberticides.
Nous espérons que la tenue de ce Forum Mondial des Droits de l’Homme ne se transforme pas en opération de promotion du régime marocain et de dédouanement de ses agissements ; le risque est grand de voir cautionner toutes les violations graves qui sont en train de se perpétrer.
Nous en appelons aux ONG et aux personnalités présentes à ce Forum pour ne faire preuve d’aucune complaisance et de rappeler aux autorités marocaines et au Conseil National des Droits de l’Homme leurs engagements et leurs obligations.
Fait à Belfort le 27 novembre 2014
Bachir Ben Barka